20 Mar 22

Mission CHARA 2022 : un début de mission nominal

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Déja deux semaines que nous sommes sur place, et ce n'est que maintenant que je trouve un peu de temps pour rédiger ces quelques lignes sur notre mission à l'observatoire du Mont Wilson. Finalement, c'est plutôt bon signe, ça signifie qu'on a été bien occupés pendant cette mission.

Ça commençait bien, dès le vol Paris - Los Angeles. Très peu de monde dans l'avion, et on a pu se prendre chacun une rangée. Deux choses aussi que je n'avais jamais vu avant : des prises électriques dans l'avion pour brancher le portable (du coup j'ai bossé pendant tout le vol), et du wifi à bord, gratuit pour envoyer des messages texte. Le vol est toujours aussi long (11h environ), mais le survol du Goenland, du Canada et du nord-ouest des États-Unis est toujours aussi chouette ! Arrivés à l'immigration, on a fait bien mieux que la dernière fois puisque Julie n'a mis que 10 minutes avec l'officier contre une bonne heure la dernière fois. Il faut dire qu'elle est tombée sur un psychopate ! Il avait fallu qu'on s'y mette à trois pour le convaincre que si, on peut dormir dans un observatoire ! Bref, cette fois-ci, tout s'est bien passé. On a bien pu récupérer tout notre matériel dans les valises, et aucune casse. Le temps de récupérer la voiture de location, de quitter Los Angeles, de faire une pause à La Cañada pour faire les courses et de monter à l'observatoire, il faisait nuit à notre arrivée. Bien fatigués du voyage, une bonne plâtrée de pâtes et au lit !

L'observatoire du Mont Wilson

Tout d'abord une petite photo du site sur lequel se déroule la mission. L'observatoire du Mont Wilson se situe à environ 1700m d'altitude, au nord-est de Los Angeles. Le site est célèbre entre autre parce que c'est ici, avec le télescope Hooker (la plus grosse coupole sur la photo, le télescope a un miroir primaire de 100 pouces, soit 2m54) qu'Edwin Hubble a démontré l'expansion de l'Univers. C'est également sur ce télescope qu'Albert Michelson a effectué les premières mesures de diamètres d'étoiles par méthode interférométrique.

Mais revenons à nos moutons (à nos écureuils je devrais plutôt dire vu le nombre d'individus de cette espèce sur le site !). On retrouve notre cottage habituel. C'est pas le grand luxe, mais c'est largement assez pour trois personnes. On a chacun notre chambre, une petite cuisine et un salon. C'est sympa, et surtout c'est à une minute du labo !

Comme pour les missions précédentes, on va travailler avec deux des six télescopes du réseau CHARA : les télescopes Sud1 et Sud2. Ils sont distants d'une trentaine de mètres l'un de l'autre, et se situent à environ 200 m du labo de recombinaison des faisceaux.

Allez, je vous propose une petite visite du télescope Sud1 :

Les objectifs de la mission

Petit rappel si vous avez manqué les épisodes précédents. Nous travaillons dans le domaine de l'imagerie très haute résolution en astronomie. Le principe consiste à collecter la lumière par plusieurs télescopes très éloignés les uns des autres, et de mélanger les faisceaux collectés pour faire des interférences. À partir des informations extraites de ces interférences, on peut reconstituer une image avec une résolution très importante.

Actuellement, les réseaux de télescopes travaillent avec des tubes sous vide pour acheminer la lumière des télescopes vers la station de recombinaison. Ça fonctionne pour des distances allant jusqu'à quelques centaines de mètres. mais dès qu'on va vouloir travailler avec des distances kilométriques, ça ne fonctionnera plus, et c'est là que l'utilisation de la fibre optique pour le transport de la lumière devient très intéressante.

Pour cette mission, on va donc chercher à relier les télescopes Sud1 et Sud2 à la station de recombinaison des faisceaux à l'aide de fibres optiques. Les fibres ont été installées en 2019 lors d'une précédente mission, et font chacune 240m de long. La difficulté principale est que pour pouvoir réaliser les interférences, la lumière venant des différents télescopes doit avoir effectué exactement le même trajet, à un dixième de mm près ! On a donc développé un système d'asservissement qui va nous permettre de maintenir constantes au cours du temps les longueurs de fibres, malgré les fluctuations thermiques et les vibrations. Nos fibres traversent 200m de forêt. On ne peut pas vraiment dire qu'on est dans des conditions de laboratoire !

Le déroulement de la mission

Comme à chaque mission, ça va se dérouler en trois phases :

  • d'abord, il faut déballer, installer et régler tous le matériel de l'expérience. Plus on avance dans les missions, plus il y a de matériel, et plus ça devient complexe à régler. Cette étape nous prend environ une semaine à un rythme assez soutenu (en gros, à part manger et dormir, on ne fait que ça)
  • ensuite, on a nos six nuits d'observation. C'est là que les expériences grandeur nature sont réalisées, avec tous les problèmes non prévus, les turbulences atmosphériques et autres soucis. Mais c'est aussi la partie la plus excitante de la mission
  • enfin le rangement du matos, la rédaction des comptes-rendus, l'état des lieux de ce qu'on ramène à Limoges et de ce qui reste sur place. Pas franchement la partie qu'on préfère car généralement on est crevé en plus quand on en arrive à cette phase. Mais bon, il faut bien le faire…