Dans une lettre parue dans la revue Physical Review Letters le 29 novembre 2016 (télécharger le pdf), nous montrons expérimentalement que le changement de couleur de l’infrarouge vers le visible de la lumière émise par des étoiles en utilisant des techniques d’optique non linéaire peut booster la sensibilité des télescopes infrarouges.
L’univers, lorsqu’on l’observe dans le domaine des infrarouges, peut sembler très différents de ce l’on peut voir dans le visible. Cette lumière particulière peut traverser les épais nuages de poussières, et nous révéler ainsi le cœur des galaxies, ou nous permet d’imager des objets froids, comme les systèmes extrasolaires en formation, ou encore les étoiles en toute fin de vie. Cependant, les performances limitées des détecteurs infrarouges, ainsi que le bruit thermique émis par tous les éléments de la chaîne instrumentale (comme les nombreux miroirs par exemple) rendent l’observation dans ces longueurs d’onde plus complexe que dans le domaine du visible.
Notre équipe de recherche propose une approche originale consistant à convertir la lumière infrarouge provenant de l’objet observé vers le domaine du visible afin d’améliorer la sensibilité des télescopes infrarouges. La lumière collectée par les télescopes est injectée dans des cristaux dits non-linéaires. La lumière infrarouge est alors mélangée avec de la lumière laser dans ces cristaux, ce qui provoque son changement de couleur par un processus appelé « génération de somme de fréquences ». La lumière visible créée peut ensuite être transportée dans des fibres optiques, et détectée avec des capteurs performant.
Dans une lettre publiée cette semaine dans la revue « Physical Review Letters », nous montrons comment nous avons expérimenté cette technique avec succès sur le réseau de télescopes CHARA Array, près de Los Angeles. Ce réseau est constitué de six télescopes d’un mètre de diamètre, espacés jusqu’à plusieurs centaines de mètres, et fonctionnant ensemble. Les lumières collectées par les télescopes sont acheminées dans une station de recombinaison, où elles sont mélangées pour former des interférences, qui, une fois analysées, permettent de reconstruire une image de l’objet observé. Le réseau de télescope a alors une résolution angulaire équivalente à celle d’un télescope unique de plusieurs centaines de mètre de diamètre !
Lors d’une mission qui a eu lieu en avril 2015, nous avons ajouté les systèmes de changement de couleur de la lumière sur deux des six télescopes du réseau CHARA, et nous avons observé l’étoile Dubhé (dans la constellation de la grande ourse). Nous avons montré expérimentalement qu’après avoir transformé la lumière infrarouge (longueur d’onde 1.55 microns) provenant de l’étoile en de la lumière rouge, puis mélangé les faisceaux de lumière visible, nous pouvions toujours générer les franges d’interférence nécessaires à l’obtention d’une image à très haute résolution. En d’autres termes, les précieuses informations sur l’objet, présentes dans la lumière infrarouge collectée par les télescopes, sont bel et bien conservées lors du changement de couleur dans les cristaux non-linéaires.
Nous travaillons maintenant sur un nouvel instrument permettant de convertir non plus des rayonnements autour de 1,55 microns dans l’infrarouge proche, mais dans l’infrarouge moyen, afin d’explorer des objets plus froids dans l’Univers.
- Référence :
On-sky Fringes with an Up-Conversion Interferometer Tested on a Telescope Array P. Darré, R. Baudoin, J.-T. Gomes, N. J. Scott, L. Delage, L. Grossard, J. Sturmann, C. Farrington, F. Reynaud, and T. A. Ten Brummelaar
Phys. Rev. Lett. 117, 233902 – Published 29 November 2016 - Communiqué de presse national du CNRS
- Cette publication est également mise en avant dans la revue Physics
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- Pour approfondir sur cette thématique de recherche, lire les chapitres 10 et suivants de mon mémoire d’Habilitation à Diriger des Recherches.