Petit point rapide après trois jours de manips. D’abord, ça fait du bien de maniper, c’est quand même pour ça qu’on est venus. On avait initialement trois nuits d’observation de prévues. La première nuit a été annulée, l’observatoire venait juste de rouvrir suite à l’incendie. Ils n’ont pris aucun risque. Grosse incertitude pour la deuxième nuit. Chris sera notre opérateur pour cette nuit-là (c’est donc lui qui gère le réseau de télescopes, et entre autres s’occupe de nous pointer les étoiles). Il nous annonce qu’il devra vérifier toutes les 20 minutes s’il y a des cendres dans l’air, auquel cas les coupoles seront immédiatement fermées (une couche de cendre sur le télescope, ça ne va pas le faire). On s’installe à 20h dans le local qui jouxte le labo où se trouve notre instrument. On a juste un câble USB de 10m qui passe à travers le mur et qui nous permet de récupérer les données expérimentales sur nos ordinateurs. Chris nous annonce que les coupoles seront ouvertes. Soulagement.
On commence donc demander la première étoile. Nous devons ensuite injecter la lumière des étoiles dans nos fibres optiques. Ça se fait à distance, les extrémités des fibres sont montées sur des petits moteurs qui permettent de les positionner exactement où il faut pour injecter un maximum de lumière provenant de l’étoile. C’est une opération qui généralement ne pose pas de problème. On l’a fait plusieurs fois un peu plus tôt dans la journée, en utilisant une source laser à la place de l’étoile. Étonnamment, nous avons de grosses difficultés à faire cet alignement. Ça se comporte assez bizarrement d’ailleurs par rapport à ce que l’on avait d’habitude. Discussion avec Matt, en thèse ici, et qui nous aide pour nos observations. Il n’a pas vraiment de réponse à ce qu’il se passe. Discussion avec l’opérateur, qui ne voit pas non plus d’où vient le problème. Il faut absolument que l’on contacte Nick, qui nous aidait les années précédentes, et qui connaît bien l’instrument sur lequel on est branché, il a beaucoup travaillé dessus. Nick ne travaille plus à l’observatoire du Mont Wilson, il bosse maintenant pour la NASA à San Francisco. Impossible de le contacter par skype. On envoie également des mails, mais difficile de savoir s’il les liras. Finalement, l’opérateur finit par pouvoir le contacter (par je ne sais quel logiciel) afin de résoudre le problème. Il s’agissait, si j’ai bien compris, d’une mauvaise configuration du logiciel (un truc qu’on ne pouvait pas deviner, et sur lequel de toutes façons on ne pouvait rien faire). Finalement, logiciel reconfiguré, nous pouvons repartir. Il est minuit, et on a déjà perdu quatre heures ! Et des heures précieuses car la turbulence était très faible, et elle monte avec le temps qui passe. Pas de bol (je crois que la malchance nous poursuit cette année).
Pour le reste de la nuit, nous n’avons fait que nous battre avec la turbulence pour essayer d’avoir de la lumière des étoiles dans nos fibres, et à essayer de faire des franges d’interférence. En vain. Sur le coup de quatre heures du mat, Lucien et moi avons sombré dans un état qui doit être proche du coma 🙂 Seul François a résisté, et a tenté jusqu’à 6h du mat d’obtenir quelque chose. Couché vers 6h30, vraiment très fatigués.
Ce joli graphique, c’est juste pour vous montrer que les conditions étaient toutes pourries. Ça représente la qualité du ciel d’un point de vue turbulences au fil des heures. Quand c’est bien, c’est entre 15 et 20. Pour nous, surtout pour le télescope tracé en bleu, c’était la cata…
Levé le lendemain vers 13h, pas vraiment frais. Niveau fuseau horaire, c’est n’importe quoi. Je ne sais plus où j’en suis. Je ne mange même pas, pas faim du tout, et pas trop le moral d’avoir autant galéré la nuit dernière. On retourne au labo pour essayer de régler encore mieux le système d’injection en vue de la seconde nuit d’observation. Ça nous prend quelques heures, et il faut vite aller manger. Ce soir, c’est Norm notre opérateur, et on démarre à 18h45 ! On se fait un bon plat de pâtes, ça devrait aider à tenir la nuit. Pas de cendres, on devrait pouvoir ouvrir les coupoles. En revanche, le vent se lève. C’était prévu par la météo, et c’est pas du tout une bonne nouvelle pour nous. On se dirige vers une seconde nuit de galère. Et ça n’a pas loupé. Malgré nos optimisations faites dans l’après-midi, on en bave autant que la veille. La météo est tellement défavorable que vers 1h du matin, Norm nous annonce que les coupoles doivent être fermées. Trop de vent. Dommage, je pète une forme pas possible, et j’aurais tenu le coup facilement jusqu’au lever du jour. Grosse déception, comme l’an passé, la météo n’est toujours pas avec nous. Bon la différence avec l’an passé, c’est que cette année, on a quand même eu le feu en plus ! Joli combo, hein ?
Bon, la nuit n’a pas été complètement perdue, nous avions une autre petite expérience, à faire dans la coupole (fermée) d’un des télescopes. Manip concluante : le four qui nous servira plus tard à mettre nos cristaux changeurs de couleur à la bonne température ne perturbe pas le bon fonctionnement du télescope. C’est bon signe pour la suite. Coucher 3h du matin. pas trop le moral, mais bon, c’est comme ça. Il nous reste une troisième expérience à faire pendant le reste de la semaine.
Aujourd’hui est un autre jour, avec une nouvelle expérience. Le moral revient. En tout cas, cette nouvelle expérience nous change les idées. Les pompiers sont toujours sur place. Le feu n’est toujours pas éteint, et ça fait une semaines qu’ils sont ici à lutter contre et à vivre dans leurs camions. Ça ne doit pas être facile ! Pendant qu’on déroule nos fibres optiques dehors pour notre prochaine manip, on les voit avoir droit à une visite du télescope. Je trouve ça sympa de les faire visiter !
De notre coté, on installe nos fibres optiques entre la station de recombinaison des faisceaux et une paire de télescopes du réseau. C’est la grande aventure. On doit dérouler 200m de fibre optique (avec une gaine métallique de protection qui pèse une blinde), sur un terrain sablonneux, en pente, avec des trucs qui piquent partout. En particulier, des espèces de yucca hyper pointus, qui font hyper mal (ça pique même à travers les habits). Il y a deux ans, François s’était piqué à l’avant bras avec ce truc. Deux jours plus tard, il avait le bras de Popeye ! Et ça fait super mal en plus (j’ai testé pour vous, sur le mollet). Bref, après quelques échardes, une bobine de fibre bien lourde qui me tombe sur le genou, et un peu de transpiration, les fibres sont enfin posées. Reste plus qu’à les emballer dans de la mousse isolante pour les protéger des fluctuations thermiques et des vibrations mécaniques. Ça se fait plutôt bien, les morceaux de mousse sont plutôt grands. En mois de deux heures, nos fibres sont installées, et on va enfin pouvoir faire notre manip. La nuit tombe, il est temps de boucler et de faire les premiers tests (concluants). Demain, on refera plus de mesures, de manière plus systématique. Bien fatigué. Une bonne douche, un repas rapide, et au lit.
Je vais m’arrêter là pour aujourd’hui. J’ai annoncé en début de billet que ce serait un point rapide ! J’ai été plutôt bavard. La suite au prochain numéro.